
Lorsqu’un vivant se tue, c’est chez les vivants, une grande effervescence.
Comme lorsque la maison flambe, qu’on baptise le petit ou qu’on écrase le chat avec la voiture d’enfant par inadvertance.
« Nous le voyions si souvent, le sourire aux lèvres et le verre à la mains, et il s’est tué lui même, c’est à peine croyable…
-Et pour quelle raison ? .. »
Et tous de trouver les réponses.
Singulière et peu vivante questions, singulières et peu vivantes réponses.
Souvent, les hommes réclament ce qu’ils appellent la Vérité: avec incohérence, mais avidement leurs yeux supplient qu’on leur mente.
Beaucoup parmi eux vivent de simulacres et ces simulacres leur sont plus indispensables que le pain, l’eau, le vin, l’amour ou les lacets de leurs chaussures.
Par chance et malchance et par concours de circonstances, enfance privilégiée, chute sur la tête, enfin n’importe quoi, celui qui veut et qui peut échapper à cette affreuse façon de vivre et qui sait qu’au delà du quai les tickets sont tout de même valables, puisqu’il n’a pas pris de tickets essaye de vivre autrement, essaye de vivre vivant.
Parfois il réussit.
Et comme l’autre prouvait le mouvement en marchant il prouve le bonheur en étant heureux.
Et il s’habitue à cette vie.
Mais presque tout s’unit contre les vivants vivants.
Et c’est le choeur des méprisants: » Regardez celui-là, il se laisse vivre et il ne donne pas ses raisons
Parfois le vivant en a marre.
Parfois un être qui adore la vie se tue tout vif et sourit à la vie en mourant.
Le cheval calculateur qui se tue en pleine représentation, en pleine piste, le public suppose qu’il a fait une erreur dans ses chiffres et qu’il ne peut supporter un pareil déshonneur.
Brave cheval calculateur
Tout petit, quand, à coups de fouet, on t’apprenait à faire semblant de compter, déjà tu pensais à mourir, mais personne ne le savait.
Jacques Prevert